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« Se placer » vs « Etre soi »

8 juin 2009

etre soiNous prolongeons ici la lecture de l’ouvrage Devenir adulte, Sociologie comparée de la jeunesse en Europe (Cécile Van de Velde, PUF), commencée ICI.

Comme nous l’envisagions dans la première note, nous nous arrêterons sur les tendances contradictoires auxquelles sont plus particulièrement confrontés les jeunes français dans la perspective de leur insertion professionnelle.

Les faits

•    « Plus qu’ailleurs, l’âge adulte est prioritairement pensé comme l’âge du définitif, et la jeunesse, associée au temps des études et de l’insertion professionnelle, revêt la signification d’un investissement de long terme, censé déterminer le destin social de l’individu. »
•    « Si les jeunes français anticipent une absence de droit à l’erreur, c’est qu’ils évoluent dans un environnement conditionnant le statut socioprofessionnel au niveau d’études et au premier emploi atteints à l’issue de leurs années de jeunesse. »
•    « Au regard de cette enquête, on pourrait presque affirmer que « la précipitation confiante » dont font preuve les Britanniques dans leurs trajectoires de jeunesse se décline, parmi les jeunes Français, en une « précipitation méfiante » : si l’horizon des choix et des possibilités professionnelles paraît ouvert aux premiers, même après leurs études, les seconds tendent à le définir par une relative fermeture, exigeant, pour y trouver sa place, des trajectoires « sans faute ». »
•    « Pour la majorité des jeunes français (…), l’entrée dans les études supérieures revêt les traits d’un « tournant » susceptible de marquer durablement l’avenir professionnel : souvent vécu comme une restriction contrainte, soudaine et trop précoce de l’horizon des possibles de l’individu, le choix de la filière apparaît scellé par l’absence de droit à l’erreur. »
•    « Cette exigence de l’engagement étudiant est perçue comme une contrainte sociale venant freiner la volonté de laisser plus longtemps ouvert l’horizon des possibles. Fortement marqué par la pression parentale, ce choix d’étude est le plus souvent vécu comme un arbitrage entre aspirations individuelles et stratégies de placement. »
•    « Les itinéraires socioprofessionnels tendent à s’inscrire dans une double norme de linéarité et d’urgence. Les jeunes Français évoquent, tout au long de leurs trajectoires, l’absence de droit à l’erreur et l’existence d’une pression à l’avancement. Le sentiment, partagé, d’être en « retard » est révélateur d’une puissante norme sociale sur le temps et l’issue de la jeunesse. »
•    « Éric Verdier relève cette spécificité : « Les diplômes sont en France avant tout des instruments de classement individuel dans le cadre d’une compétition scolaire dont l’issue est fortement articulée à des statuts sociaux. » »
•    « Louis Chauvel montre que cette représentation correspond à une réalité effective, et que l’entrée dans la vie des jeunes Français est caractérisée par le fait d’« obtenir son rang avant 30 ans » : ayant décomposé la population cible en sous-groupes de diplômes, il constate que le rang hiérarchique moyen obtenu quelques années après la sortie des études de chaque sous-groupes se révèle prédictif de la position sociale finale acquise tout au long de la vie, et en conclut que « très peu de temps s’écoule après la sortie des études avant que ne se stabilise leur rang social qui se rapproche collectivement de celui où ils culmineront ». »

Nous voyons là des éléments explicatifs de plusieurs phénomènes :

•    La difficulté du rapport à l’orientation, et les attentes extrêmement fortes, et souvent inévitablement déçues, qui pèsent sur les services sensés apporter un accompagnement pour cette orientation.
•    Le décalage que nous notions ici entre la « prise de risque » consentie par beaucoup d’étudiants dans le cadre d’engagements associatifs, et à l’inverse les démarches très classiques, académiques, dans l’élaboration de leur projet professionnel, dans le type de stages recherchés quasiment toujours en lien direct avec la formation, etc.

Ceci nous fait penser que :

La pratique des stages volontaires permet une prise de risque à laquelle beaucoup d’étudiants ne consentiraient pas dans le cadre d’un stage obligatoire et participant à leur évaluation. Ceci rend donc d’autant plus pertinente cette pratique.

Comme nous le verrons dans le reportage que nous avons effectué à l’université de Limoges, et qui sera publié la semaine prochaine, une attention toute particulière pour démontrer aux étudiants que s’ouvrent à eux beaucoup plus de choix, de possibilités, qu’ils ne le pensent, peut également leur permettre d’accepter une certaine prise de risque et de ne pas avoir pour seul guide la crainte de l’échec.

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