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Orientation et projet professionnel à l’université : le défi historique d’une société de la connaissance, de la mobilité sociale et de l’innovation.

13 septembre 2010

Un défi historique sans précédent au cœur du mouvement de démocratisation de notre société

Combien d’hommes et de femmes dans l’histoire de l’humanité ont eu à se poser la question de savoir ce qu’ils « allaient faire plus tard » ? Combien d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes aujourd’hui même se voient assigner une situation professionnelle sans l’avoir choisie ?

La situation de massification de l’accès à l’enseignement supérieur crée les conditions d’une révolution à l’échelle de l’histoire de l’humanité, en posant les bases et en nous confrontant aux redoutables exigences et difficultés de ce que devrait être une réelle possibilité de mobilité sociale.

Dans une société traditionnelle, et dans ce qu’il restait de traditionnel dans notre société jusqu’à il y a encore quelques dizaines d’années, un individu était largement déterminé, conduit, par son cadre familial, à aller vers tel ou tel métier, et celui-ci était certainement présent dans la vie même de la famille. Il y était pré-formé par son père, il visitait l’atelier, le cabinet, l’étude, etc., il y était initié. Il abordait sa formation en ayant une claire vision de son avenir, une maîtrise de codes sociaux liés à cette corporation, et lorsqu’il arrivait en poste, il en connaissait beaucoup plus sur le métier que n’en connaîtra jamais un étudiant de cinquième année d’enseignement supérieur aujourd’hui allant au devant d’un métier « non hérité ».

Mais si nous considérons le fait qu’une écrasante majorité des adolescents et jeunes adultes doivent pouvoir aujourd’hui construire progressivement leur projet professionnel, si nous considérons que ces enfants n’ont pas à inscrire leurs pas dans ceux de leur père ou de leurs parents, si nous considérons alors que les formes classiques de transmission ne sont plus actives et ne seraient de toute façon plus appropriées, si nous considérons que les métiers eux-mêmes ne cessent d’évoluer, si nous considérons le fait que plus de cinquante pour cent des diplômés de l’enseignement supérieur travaillent hors de leur champ de spécialité, comment s’étonner de l’ampleur des défis que doivent relever les institutions en charge d’accompagner les étudiants sur cette voie, dans cette démarche d’orientation et de professionnalisation ? En comparaison, le modèle supposé des écoles réussit en s’attachant à une logique de spécialisation dans un monde qui appelle sans cesse d’avantage de mobilité.

Cette rengaine des trente ou quarante dernières années sur l’inefficacité des systèmes d’orientation, sur le décalage entre formation et emploi, renvoie pour une part à des questions d’organisation qui peuvent à l’évidence progresser. Cependant, il nous semble qu’il serait erroné de se limiter à un tel diagnostic. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres de notre société, les formes traditionnelles de transmission ont été profondément bouleversées en quelques décennies.

L’évolution des comportements et des situations des individus a atténué fortement des liens par lesquels informations, connaissances, consignes, étaient transmises, et nous attendons de plus en plus que quelques institutions prennent le relais de ces transmissions, alors même que la jeunesse se socialise de plus en plus en « vase clôt », entre pairs, et dans une grande défiance vis-à-vis des institutions précisément.

Les modes de vie, le fonctionnement des familles, la transmission, l’organisation du marché du travail, l’évolution des métiers, la place des connaissances dans l’exercice de ceux-ci, le déroulement des carrières, autant d’éléments importants de notre organisation sociale qui ont connu des bouleversements. Comment imaginer que l’arrivée dans l’emploi des jeunes générations ne soit pas profondément affectée par cela ? Comment attendre d’une seule institution, l’éducation nationale, qu’elle invente en si peu de temps les formes nouvelles de transmissions qui remplaceraient l’ensemble des liens anciens et qui seraient adéquates aux évolutions des métiers eux-mêmes pendant cette même période ?

Les critiques, souvent vives, adressées de toutes parts aux dispositifs d’orientation et de professionnalisation des jeunes, disent surtout quelque chose sur le bouleversement de notre société en la matière, sur l’ampleur des défis à relever, plus que sur ces dispositifs en particulier.

Mobilité et innovation.

Le diagnostic est fortement posé par nombre de responsables et d’analyses, que l’innovation est une, si ce n’est « là », voie de notre avenir. Une innovation technique, mais probablement également sociale, économique, démocratique, etc. Peu d’aspects de notre vie sociale, et donc de notre vie tout court, échappent aux évolutions rapidement indiquées précédemment.

Pour en rester au domaine de l’emploi, de l’engagement économique de tout un chacun, cet appel de l’innovation va de pair avec une mobilité professionnelle accrue. Depuis déjà quelques dizaines d’années les structures socio-économiques ont profondément changées, au moins d’une génération à l’autre. Là où, en 1953, 50% des hommes de 40 à 59 ans occupaient une catégorie sociale identique à celle de leur père, ils n’étaient plus que 35% en 1993. Mais les mobilités sont ascendantes comme descendantes. Et ces mobilités gagnent de plus en plus chaque parcours individuel.

Ces évolutions, subies ou maîtrisées, confrontent chacun à des enjeux de resocialisation, de capacités d’adaptation, d’apprentissage, de formation continue, etc.

Ainsi, la mobilité socio-professionnelle suppose des capacités de mobilité sociale, et la mobilité sociale appelle des compétences et capacités nécessaires elles-mêmes à la mobilité socio-professionnelle impliquée par une économie de la connaissance (la valeur totale de la production économique américaine a augmenté de 300% de 1950 à 2000, alors que le tonnage est resté le même) mais aussi une société de la connaissance et de l’innovation.

Imaginer et construire les chemins à ce jour inconnus de la mobilité sociale et professionnelle.

Orientation, découvertes métiers, statistiques d’insertion, etc., autant d’outils qui sont mis à la disposition des étudiants pour la construction de leur projet professionnel autour d’une logique d’information. Ces méthodes sont développées depuis plusieurs dizaines d’années. Nous en connaissons et les vertus et les limites. Beaucoup de ces informations restent trop « abstraites » pour les étudiants, et le rapport entre formation / profession d’une part, et personnalité / formation de soi d’autre part reste par trop inexploré.

Or, le couple profession / personnalité a lui aussi été profondément déstabilisé en quelques décennies. À la fois beaucoup de métiers demandent un investissement personnel très important, en termes de mobilisation de ressources relationnelles, psychologiques, etc., mais en même temps la place du travail dans la définition sociale d’un individu, même si elle n’a pas disparue, s’est elle aussi beaucoup modifiée et distendue, du fait notamment de l’éclatement des identités et des parcours professionnels.

Et en la matière, le relatif échec du « système de formation, d’orientation et de professionnalisation » ne saurait être le seul à être pointé du doigt. Dans une récente note d’analyse, le Centre Européen pour le Développement de la Formation professionnelle soulignait l’importance de « mieux connaître ce que les individus savent réellement et sont capables de faire dans des emplois spécifiques. Un recours plus important à la validation des acquis non formels et informels, ainsi qu’à l’orientation tout au long de la vie, permettrait de mieux faire coïncider compétences et emplois. Le message des prévisions du Cedefop est qu’il pourrait être nécessaire pour les gouvernements de stimuler la demande de compétences émanant des employeurs et de trouver les moyens de mieux utiliser les compétences, afin d’éviter les problèmes d’inadéquation et de déséquilibre.

L’Europe doit garantir que ses ressources humaines répondent aux besoins de son économie. Les stratégies doivent offrir aux citoyens des possibilités d’améliorer et d’élargir leurs compétences. L’élévation des niveaux de qualification n’est pas simplement ce qui permet aux individus de trouver un meilleur emploi; c’est aussi ce qui leur permet de façonner les emplois du futur et, partant, d’apporter une contribution active à une économie innovante. »

Il apparaît ainsi que l’ensemble des acteurs formateurs, mais également employeurs, sont convoqués pour une évolution permanente de leurs pratiques, et cela de manière à relever ce défi d’une société et d’une économie de la connaissance, de la mobilité et de l’innovation. Interfaces Compétences est à leurs côtés sur ce chemin.

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